Inconnu au bataillon, malgré de longues heures à écumer le web à sa recherche au mépris de ma fatigue oculaire, je ne l’ai croisé que chez Aki Boulanger, le repaire des nippohiles gourmands de la rue Sainte Anne.
Un petit tour aux Tuileries est l’excuse toute trouvée* pour aller zieuter leurs rayons de patisseries métissées de yuzu ou de matcha, les bentos du jour, les onigiri, se faire une pause thé grillé (hojicha) et faire le plein de petites choses délicieuses. Les spécialités les plus connues sont l’éclair au matcha, l’opéra au matcha, le paris-brest au matcha, vous avez l’idée! Malins comme un singe, ils avaient aussi mis en avant lors de mon dernier passage les doryaki, ces petits pancakes fourrés de pâte de haricot rouges sucrée qui font l’objet du film assez gnangnan Les délices de Tokyo. C’est de bonne guerre.
Mais moi, c’est le Wa(te) que je préfère (voyez la blague?).
Anatomie d’un Wa
Il s’agit d’un petit pochon de pâte moelleuse au matcha, farci de pâte de azuki rouge, crème de marrons peu sucrée et de quelques cerneaux de noix, le tout cuit à la vapeur et très légèrement recouvert de sucre glace.
C’est presque frais, très doux et délicieusement fondant, avec un peu de mâche apportée par les noix. Le matcha, l’azuki et le marron fusionnent dans de délicates saveurs terreuses.
J’adore. Merci Aki.
Attention, je vais déflorer un secret. Le chef ne s’appelle pas Aki mais Fumiyo Takahashi, j’en étais toute chamboulée lorsque je l’ai appris. Elle fait partie de cette génération de chefs japonais, qui, après avoir pris d’assaut les restaurants gastro et les pâtisseries de la capitale, commencent à s’atteler au pain. Shinya Inagaji de Terroirs d’Avenir, fait pas mal de bruit en ce moment avec son pain de seigle. Il ne manque plus qu’ils s’attaquent à la fromagerie et on sera marron (et paf, la boucle est bouclée).
*Le cookie matcha-chocolat blanc de ma fille termine donc dans le bec des canards du bassin central. Gourmets les canards.
Tiens, comme ça, en passant, je voulais partager une combinaison du tonnerre pour le goûter: mango mango du Kent mûre importée par avion (ne me lancez pas de cailloux, j’ai la peau qui marque facilement) et carré de chocolat vietnamien MarouBa Ria 76%. L’exotisme à portée de palais.
Ça se passe bien ou bien le goûter chez Madame Ganache ? Notez la couleur de la renoncule en harmonie avec celle de de la manque, c’est la dure exigence de la vie sur Instagram.
J’ai besoin de vous faire une confession, un peu comme un de mes amis proches qui, un soir, sans doute mis en confiance par les quelques verres de Chablis qui avaient égayé notre journée, nous a avoué du bout des lèvres aimer Wagner. Stupeur et sidération.
Moi, j’aime le marron.
Paf! c’est dit. Dans le marron glacé je suis en fait plus marron que glacé. Sentant ma passion du moment faiblir et voguer vers d’autres saveurs, je me suis donc pressée de fignoler cette note. D’autant que l’hiver va bientôt toucher à sa fin et que ce ne sera plus de saison, ma bonne dame.
Planche botanique de châtaigne, le nom officiel et plus élégant de ce que nous mangeons.
J’ai pourtant du mal avec les marronniers (blague) qui rythment l’année gourmande: Noël, l’Épiphanie, la Saint Valentin, Pâques, tout ça. Seul l’été, la vraie trêves des confiseurs, nous laisse un peu de répit, à nous et nos bourrelets sous pression. Quelques-uns tentent bien de nous faire le coup de chocolats aux saveurs rafraîchissantes, ça va bien merci. Pour ça, y’a les Pyrénéens de Lindt, vous savez, ceux que l’on se lance au visage dans une boule de neige, et qui resteront à tout jamais un mystère total pour moi.
Bref. Vive le marron. Je mène donc, oh gentiment, avec mes petits moyens, une campagne de promotion du marron. Je le trouve trop injustement assujetti à jouer le rôle d’une farce dans, pardonnez-moi, le cul d’une dinde. Les poissons gras ont bien eu le droit à leur come-back, réhabilitons le marron! Je réfléchis à lancer une campagne de crowdfunding sur le sujet, il me manque simplement le blanc-seing du Conseil Départemental de l’Ardèche. Simple formalité.
La tarte Mont-Blanc Delmontel, bof, la pâte était détrempée, dommage
Voici donc les diverses manières que j’ai trouvé de l’accommoder (j’adore cette expression, so Ginette Mathiot), et de le refourguer subrepticement à mes convives:
la liqueur de châtaigne, à servir avec du vin blanc. À dégoter chez Couderc from Aurillac (15)
le pain, les galettes, les crêpes, les pancake, vous voyez le truc, à la farine de châtaigne, Corse ou Ardèche, les deux bénéficient d’une AOP, à vous de voir selon vos affinités
le vacherin glacés aux marrons. Crème + meringue + glace marron = boum boum dans ton cœur
la compote Andros pomme-châtaignes sur du fromage blanc, qui remplace avantageusement la crème de marron Clement Faugier (trop, mais trop sucrée enfin) pour un simili Mont Blanc light
La p’tite charlotte aux marrons de Balls, délicieusement enfantine
Dans ma quête, j’ai rouvert le fabuleux Répertoire des Saveurs, qui nous incite à aller voir du côté du jambon cru, ce qui me tente carrément, des viandes bien sûr, même si je ne la suis pas sur l’association agneau-chataîgnes, l’agneau risquant d’écraser la saveur douce de la châtaigne. Les légumes tels que le chou, le céleri, le potiron, l’automne, en somme, sont de bons copains. Il manquait quelques recommandations d’associations sucrées. Je l’aime d’amour en association avec le cassis, la poire, la vanille, le thé matcha, dont les notes terreuses lui conviennent très bien, et surtout, surtout, avec la mandarine qui lui donne du pep’s.
Si tout ceci ne vous suffisait pas, vous trouverez aussi de quoi assouvir vos envies dans l’univers de la pâtisserie japonaise. Une des saveurs centrales de ces pâtisseries est l’azuki, la pâte de haricot rouge, qui évoque nettement celle du marron. Il existe un délicieux gâteau au thé vert dont j’ai oublié le nom chez Aki Boulanger, la cultissime boulangerie-pâtisserie japonaise de la rue Saint Anne, cuit à la vapeur, et au cœur de crème de marrons, de pâte de haricot rouge et de morceaux de noix. Joie des papilles. À débusquer aussi chez Toraya, un superbe salon de thé japonais qui sert de sublimes wagashi, délicates pâtisseries changeant au fil des saisons, et un excellent menu déjeuner.
Allez, venez chanter avec moi cette ode aux marrons!
Boris Lumé
48 Rue Caulaincourt, 75018 Paris
Aki Boulanger
16 Rue Sainte-Anne, 75001 Paris
Toraya
10 Rue Saint-Florentin, 75001 Paris (et à Tokyo)
*Certains lecteurs attentifs ne manqueront pas de souligner que cet emoji est en fait une noisette, et que ce titre est donc une arnaque totale. Pas faux, mais malgré plusieurs requêtes, le comité de direction des emoji a refusé de le créer. Je suis donc condamnée à utiliser ce subterfuge.
N’étant pas à une incohérence près, je me suis roulée dans le sucre pendant les fêtes. Une lubie en chassant une autre, je me suis prise de passion pour les jolis marrons glacés. Jusqu’à très récemment, j’associais cela à de petites mamies bourgeoises en cachemire recevant leur boîte à Noël, ouvrant du bout de leurs doigts dodus, sans avoir l’air d’y toucher, les papiers dorés, et s’en boulottant trois d’affilée. Ne voyant pas franchement l’intérêt de la chose, j’étais intriguée.
Tasting (Carette, mouais, Imbert, pas dingue et Cyril LIgnac, bof bof). Une bonne session donc.
J’ai enfin pris mesure de l’ampleur de ce que je ratais. Mon parcours initiatique a démarré il y a peu. Ni la crème de marron archi-sucrée ni les Marron’Suiss n’avaient mes faveurs petite. Ils avaient pourtant leurs fans.
Peut-être me fallait-il attendre 33 ans pour me sentir prête à l’accueillir, empereur de la confiserie en habits d’or, dans toute sa splendeur. Son abondance de sucre, sa délicatesse, sa fragilité, son luxe désuet subliment la modeste châtaigne, plat des pauvres. Que n’ai-je pris conscience plus tôt des délices qu’il promettait! Toutes ces années perdues!
Salut toi
Je me rattrape. Prenant le sujet très à coeur, j’en ai testé un certain nombre, me suis renseignée sur le sujet ici et là, et en l’état actuel de mes recherches, les élus de mon coeur sont ceux de … Patrick Roger (tiens donc, encore lui, c’est lassant), et d’A La Mère de Famille. Personnellement, je ne l’aime pas trop vanillé, sans glaçage, presque juteux avec un incroyable goût de marron.
L’élu de mon coeur
Je conseillerai aux lecteurs raisonnables et maîtres de leurs pulsions s’il en existe de n’en manger qu’un à la fois, en dehors des repas, avec un palais frais et dispo pour en savourer toute l’ampleur. Compte tenu de leur prix faramineux* et du nombre de calories pharaoniques contenues dans ces petites bombes, mieux vaut éviter de les gober.
Je l’ai aussi débusqué dans la pâtisserie, dans laquelle il se sent très bien, associé à de la chantilly, dans un Mont Blanc ou un vacherin marron-poire, sommets d’onctuosité et délires caloriques.
Je tourne donc à ça. Et puis il y a Etienne Daho, mais c’est une autre histoire.
Patrick Roger
www.patrickroger.com
Plusieurs boutiques à Paris, à Saint-Germain-en-Laye, Sceaux et Bruxelles
3€ l’unité
A la Mère de Famille
www.lameredefamille.com
Plusieurs boutiques à Paris, et une à Saint Maur
A l’unité au poids, ou en boîte, 2,8€ la pièce
Leurs marrons glacés existent en deux versions, une plus ferme et moins sucrée, l’autre plus moelleuse et plus sucrée (qui a ma préférence, tant qu’à faire).
* Je ne m’étendrai pas sur le processus de fabrication délicat des marrons glacés français, qui nécessitent doigté, patience et expertise et justifie donc leur prix élevé. Il est très bien raconté ici. Pour une fois, les italiens ne sont pas à la hauteur, et produisent surtout des versions industrielles, tres sucrées, pas terribles. A réserver pour insérer dans un cake par exemple.